Depuis des années, une majorité à la fois des Israéliens et des Palestiniens a soutenu dans son principe la solution à deux états. Après des années de rétrécissement, d’importants pans des deux sociétés pensent maintenant qu’une telle solution est impossible. Ce doute coïncide fortement à la baisse du soutien à deux états.
Si cette tendance porte préjudice aux perspectives de paix, la conclusion prochaine d’un récent sondage sur les attitudes des Israéliens et des Palestiniens concernant le conflit — que j’ai effectué de concert avec un chercheur palestinien, le Dr. Khalil Shikaki — ajoute l’insulte au préjudice : une faible majorité de chacun des deux côtés soutient malgré tout la solution à deux états.
Et pourtant, le sondage constate qu’avec des incitations politiques réalistes, la position de beaucoup de ceux qui s’opposent à un accord est variable et peut être changée. Associés à ceux qui déjà des deux côtés soutiennent l’existence de deux états, une majorité peut être atteinte. Si les dirigeants israéliens et palestiniens devaient préparer un accord, le signer et envoyer tous leurs responsables politiques pour le faire accepter par leurs électeurs, l’opinion publique des deux côtés serait très probablement d’’accord. Mais pas longtemps.
Cette analyse-ci s’appuie sur notre sondage auprès de 1.200 Palestiniens et 900 Israéliens, effectué en juin et au début de juillet, par l’intermédiaire du PCPSR [1] et du Centre Tami Steinmetz de l’Université de Tel Aviv. Les échantillons sont représentatifs de l’ensemble de la population de chaque côté (Juifs et Arabes en Israël, Gaza et la Cisjordanie pour les Palestiniens). Les résultats complets, l’ensemble du questionnaire, et tous les autres détails sur le sondage, sont disponibles ici.
Le verre à moitié plein
53 % des Israéliens et 52 % des Palestiniens soutiennent en théorie l’idée d’une solution à deux états. Après que tous les éléments détaillés d’une solution à deux états (sur la base des détails que nous connaissons des cycles de négociations précédents) ont été lus aux personnes interrogées, le soutien est plus faible, et est semblable des deux côtés : 43 % parmi les Palestiniens, 41 % parmi les Israéliens. Toutefois, seule une petite partie de ceux qui sont contre est ferme et inflexible — une partie importante changerait d’avis en échange de diverses incitations politiques.
Par exemple, si l’accord stipulait que les Palestiniens reconnaîtraient Israël comme un état juif, à l’histoire juive et à l’attachement religieux, 43 % de ceux qui étaient d’abord opposés à l’accord détaillé changeraient d’avis, et le soutien total grimpe à 58 %. Parmi les Palestiniens, si les prisonniers détenus dans les prisons israéliennes étaient libérés, 56 % de ceux qui s’opposaient à l’accord complet changeraient d’avis, et le soutien atteint les deux tiers.
Ces questions représentent une sorte de laboratoire pour explorer l’état d’esprit des gens, et non une reproduction exacte de la réalité. Personne ne peut promettre que, de façon précise, 43 % des Israéliens qui s’opposent à un accord complet changeront d’avis soudainement si les Palestiniens promettaient de reconnaître un état juif, ou ce qu’ils feraient devant un soutien palestinien. C’est très vrai de l’autre côté : est-ce qu’une majorité des opposants palestiniens changerait vraiment d’avis si les prisonniers étaient libérés, et combien d’Israéliens dans ce cas laisseraient tomber ?
Mais une chose est claire : plus de 40 % des Israéliens qui ne se rangent pas à un « non » ferme sont prêts à changer pour des incitations essentiellement symboliques. Plus de la moitié des Palestiniens font preuve de souplesse, en échange d’une condition qui n’a rien à voir avec la destruction d’Israël ou avec la promotion de projets d’un futur état unique et bi-national.
Pourtant il n’est pas étonnant que le manque de confiance est un facteur éminent de l’environnement actuel. Les majorités de chaque côté ne font pas confiance à l’autre côté – un constat cohérent. Pour cette raison peut-être, une autre incitation significative qui a fait changer d’avis était le changement dans les manuels dans les manuels scolaires de l’autre côté de l’incitation contre eux. (Lors de notre conférence de presse pour présenter les conclusions du sondage commun, Dr. Shikaki a expliqué que la croyance des Palestiniens selon laquelle Israël enseigne à ses enfants à les haïr est toute aussi répandue que le point de vue en face en Israël). Des deux côtés, environ un tiers des négateurs ont indiqué qu’ils changeraient d’avis si la haine et les provocations étaient retirés des manuels scolaires .
Mais tout ceci implique que la variabilité du soutien à la suite d’hypothétiques incitations puisse être dernier facteur restant qui renforce l’acceptation publique d’une solution à deux états. Les autres tendances font apparaître un danger évident.
Le verre en train de se vider
Pendant les sept ans que le PSR a réalisé les sondages communs (au départ menés avec l’Université Hébraïque), le soutien au concept général de deux états a diminué parmi les Israéliens de 71 % à 53 % aujourd’hui. Parmi les Juifs le sondage actuel montre un soutien de 47 % seulement. Parmi les Palestiniens, le soutien se montait à 57 % en 2010, mais en décembre 2016 il tombait nouvellement à 44 %. La hausse notable dans le sondage actuel ramène le soutien juste au niveau où il se situait ces dernières années ; la tendance générale est résolument à la baisse. Quand l’ensemble des mesures pour une solution à deux états a été présenté de façon détaillée, le soutien des Israéliens juifs est tombé à seulement 32 % dans le sondage actuel, pas même un tiers.
Seulement plus de la moitié des Palestiniens (52 %)) et près de la moitié de tous les Israéliens (44 %) pensent que les colonies se sont trop étendues pour qu’une solution à deux états soit possible. Une forte proportion des Israéliens – 49 % – ne sont pas prêts à évacuer même le nombre minimum de colons nécessaire pour une solution à deux états. Mais parmi les Israéliens juifs, une majorité de 54 % (84 % parmi ceux qui habitent de l’autre côté de la Ligne Verte), sont opposés à une telle évacuation.
La conception qu’une solution à deux états n’est pas possible est étroitement liée à l’opposition publique à la fois au principe et aux modalités. Alors qu’il n’est pas évident de savoir si cette perception est une cause ou un symptôme de l’opposition aux deux états, c’est une lecture totalement précise de la carte politique et physique. Sans progrès au niveau politique, et avec l’extension israélienne ininterrompue à la fois des colonies et de la présence militaire en Cisjordanie, l’on peut s’attendre à ce qu’augmente le nombre de personnes qui estiment qu’une solution n’est pas viable, et avec elles, l’opposition à cette formule.
Nos sondages ont commencé à examiner les alternatives plus significativement plausibles : un état d’égalité, un état d’inégalité (apartheid), une confédération. A l’avenir, celles-ci peuvent être les seules options restantes.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les Prisonniers